Commune de FLAVY-LE-MARTEL


A.- Territoire occupé par les armées allemandes


I.- Généralités


a).- A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village?

Les Allemands occupèrent Flavy-le-Martel le 29 août 1914.


b).- La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants, ou sans coup férir?

On était au lendemain de l’affaire de Bellenglise. Les Allemands maîtres de Saint-Quentin marchaient en hâte sur Paris.

Un peloton du 16ème Lanciers anglais (20 hommes environ) arrivé dans la commune vers 7 heures du matin, prenait contact vers 10 heures avec l’ennemi qui cherchait à déboucher de Saint-Simon par le pont du canal Crozat qu’on avait omis de détruire. Un cavalier anglais tombait sur la route à mi-chemin entre Saint-Simon et Flavy; un brigadier français qui servait d’interprète au groupe tombait lui aussi mortellement atteint, quelques allemands étaient blessés et trois cadavres de chevaux restaient sur le terrain.

Cependant, l’ennemi avançait toujours; les Anglais abrités dans la haie du chemin de fer près du passage à niveau, continuèrent à tirer sur la troupe ennemie qui avait franchi le canal et se déployait et tiraillait dans la plaine. L’escarmouche ne dura guère plus d’une demi-heure.

Les Anglais se replièrent précipitamment sur les bois de Faillouël et à 11 h 45 un bataillon de chasseurs à pied allemand faisait halte sur la place de la mairie. Une demi-heure plus tard, il prenait la direction de Chauny par le chemin du Petit-Détroit.

La nuit, le village fut occupé par un bataillon d’Uhlans. Le Maire, Mr Tavernier-Renaux, dut passer la nuit avec eux et les raccompagner le lendemain matin sur la route de Cugny jusqu’à la limite du terroir.


c).- Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours?

Dans la suite de l’occupation?

L’autorité allemande laissa, du moins au début, la population parfaitement tranquille. Le premier jour de l’occupation, les fournitures de champagne et de tabac furent exactement payées. La prise de possession ne s’affirma véritablement qu’après le recul de la Marne. Comme partout, les réquisitions plus nombreuses et plus exigeantes se complétèrent de perquisitions et de fouilles minutieuses ; les adultes furent contraints au travail, soit dans la commune, soit en dehors (à Crisolles, à Guiscard dans l’Oise); la circulation, soumise à un contrôle rigoureux, se réduisit finalement aux seuls besoins du ravitaillement.


d).- Pouvez-vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des officiers ou des soldats, et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit ou de l’opinion publique en Allemagne à cette époque?

Les propos des soldats - reflet d’esprit des journaux de propagande du front, des allocutions d’officiers et de pasteurs - roulaient invariablement sur l’installation définitive des Anglais à Calais, sur la possibilité d’une paix séparée avec la France et d’une alliance consécutive contre l’Angleterre.

Ils témoignèrent, en outre, d’une grande estime pour la valeur militaire de nos troupiers, en même temps que d’un mépris profond pour le soldat anglais et d’une haine aveugle pour la nation britannique.


e).- Pouvez-vous citer quelques ordres ou prescriptions émanant de l’autorité ennemie où se manifestait plus spécialement son système de « guerre aux civils »?

Il est impossible, en présence de la disparition des archives communales, de citer tous les ordres et prescriptions de l’autorité allemande qui établirent dans les pays occupés un véritable système de guerre aux civils.


f).- Si possible, prière de joindre quelque spécimens d’affiches apposées par les soins ou sur l’ordre de l’ennemi, ou quelque document authentique digne d’intérêt, (ces documents seront exposés et renvoyés par la suite à leurs possesseurs, s’ils les réclament).

Néant


II.- Des rapports de l’Autorité ennemie avec la population scolaire


a).- Les établissements d’instruction (écoles, etc.) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation? Ou momentanément fermés, ou ont-ils été fermés pendant toute la guerre ?

Les écoles restèrent ouvertes pendant toute l’occupation du pays, du 29 août 1914 au 11 février 1917.


b).- Quelles ont été les prescriptions particulières édictées par les Allemands à l’égard des établissements d’instruction? (Prière de joindre, si possible, des documents à l’appui)

Il n’y eut pas de prescription particulière visant les établissements d’instruction.


c).- Le commandant de place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement?

Le commandant de place ne s’immisça jamais dans les services d’enseignement; les seuls faits que nous ayons à lui reprocher sont la transformation d’une classe de l’école des garçons en dépôt de grains et l’installation d’un cinéma dans la classe enfantine de l’école des filles.

Une réquisition des élèves pour la destruction des mauvaises herbes fut suspendue à la suite d’une intervention énergique du maire.


d).- des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la prétention de contrôler l’enseignement ? Ont-ils pénétré dans l’école ? Ont-ils interrogé les élèves? Pouvez-vous citer, à cette occasion, des réponses d’élèves méritant d’être mentionnées ?

Les classes furent visitées à deux ou trois reprises par un prêtre, inspecteur catholique des écoles. Lors d’une première visite, il accrocha un crucifix au-dessus du bureau de l’institutrice adjointe, distribua aux enfants quelques images de piété et leur fit réciter, à genoux sur les bancs, la prière en commun, pratique qu’il recommanda très vivement.

Lors de sa deuxième inspection, il nous offrit gracieusement ses services pour l’achat de fournitures classiques. «  Devant partir bientôt en permission, il me sera facile, disait-il, de vous procurer à bon compte les objets dont vous avez besoin». Nous ne profitâmes pas de son offre désintéressée !


e).- Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été contraints à quelques travaux manuels?

Quelle a été l’attitude des élèves dans ces circonstances? Particularité, réponses, réflexions dignes de remarque.

Les élèves ne participèrent jamais à aucun travail.


f).- Quelle a été, en général, l’attitude des soldats à l’égard des enfants? L’attitude des enfants à l’égard des troupes?

Les soldats qui séjournèrent dans le pays – quelques-uns restèrent plus d’une année - étaient pour la plupart des réservistes pères de famille. Ils eurent toujours pour les enfants des environs où ils cantonnaient une attitude bienveillante.

De leur côté, les enfants ne fréquentèrent guère les soldats; ils restaient indifférents aux avances, concerts et passages de troupes, toutes choses qui, en temps ordinaire, ne laissaient pas de les enthousiasmer.


g).- Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local? Quelques mots allemands, plus ou moins déformés, y ont-ils pénétré, et paraissent-ils devoir persister?

(Donner une liste de ces mots, et leur sens.)

Le vocabulaire restreint qu’imposèrent les nécessités de l’occupation disparut en même temps que l’envahisseur.

Il n’en reste aucune trace aujourd’hui.



Flavy-le-Martel, le 1er juin 1920 l’Instituteur, Tiercelet


Source : BDIC La Guerre dans le ressort de l’Académie de Lille. 1914-1920

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