Complexions des Phlegmatiques, autrement Pituiteux
Les Phlegmatiques, autrement Pituiteux, sont assez bien composez de leurs corps ; ils sont gros et gras, froids au toucher, de couleur pâle, la face bouffie et blaffarde, nullement velus, leurs veines et leurs artéres fort étroites et obscures, le poulx petit et lent, les cheveux longs et lissez, et ordinairement blonds, l’esprit lourd, pesant , grossier et stupide, lâches, paresseux, faineants, sans vigueur, craintifs, endormis, se mouchent beaucoup et crachent quantité de salive ; fort sujets aux rhumes, aux cathares, et à d’autres accidents qui s’engendrent de phlegme et de tempérament froid et humide ; ne sont pas agréables en conversation, parlent peu, se mettent en colere, s’apaisent facilement, sont de grand dormeurs. Leurs urines sont pâles, et le plus souvent troubles et épaisses, ils ont le ventre lâche, et vont abondamment.

Régime de vie des Phlegmatiques ou Pituiteux
Comme les Phlegmatiques sont d’une humeur froide et humide, ils doivent tenir un régime contraire à la cause ; et pour cet effet ils doivent être logez dans un air naturel chaud et sec, exposé au soleil et en lieu éminent, toutefois moderé, faire ordinairement du feu dans leur chambre, particulierement quand le tems est humide , pendant lequel tems ils ne doivent sortir que le moins qu’ils pourront, et éviter les Vents méridionaux, et septentrionaux.
Leur nourriture (pour ceux qui en auront le moyen)doit être de viandes chaudes et séches, de bon suc et de facile digestion, comme sont, chapons, pigeonneaux, perdrix, levraux, chevreaux, cailles, et tous oiseaux de montagne, moutons , et toutes viandes chaudes et séches :car toutes celles qui sont froides et humides , comme sont oiseaux de riviere, chair de pourceaux, agneaux, brebis, jeunes veaux,, et autres viandes de cette nature, aussi bien que les viandes grossieres , venteuses, pleines d’excrements et de difficile digestion, leur sont fort nuisibles ; les viandes rôties leur sont beaucoup meilleures que des bouillis.
Leur pain doit être de bon froment bien cuit et bien levé, où il y ait un peu de son et du sel. Les herbes qui leurs sont propres à assaisonner leurs viandes , sont la marjolaine, la menthe , la suge,l’hysope, le poulior, le romarin, le fenouil, le persil, et leurs graines ; pour tous les autres herbages, particulierement ceux qui sont froids comme les laituës, pourprier, ozeille, leur sont fort contraires, soit en salade soit autrement.
Les fruits cruds qui abondent en humidité comme sont pommes, prunes, melons, concombres et mûres, leur sont fort nuisibles, et se doivent contenter de manger quelques poires et pommes cuites, des raisins secs, amandes, noisettes, pignons, pistaches, figues séches, coings cuits, et autres de cette nature.
La quantité et varieté des viandes ne leur vaut rien, et se doivent contenter d’une sorte de viande qui soit bonne, et n’en point prendre d’autre que la premiere ne soit bien digerée dans l’estomac.
Le poisson leur est fort contraire , particulierement celui des étangs, eaux bourbeuses et croupies : on peut en manger faute d’autre chose , de celui de riviere ou de fontaine. Le laitage , les légumes et la patisserie leur est fort nuisible .
Leur boisson ordinaire doit être de bon vin vieux, mur et délicat, qui ne doit être ni doux , ni piquant, ni fumeux . Les vins nouveaux, muscats ou hypocrats, et tous ceux de semblables forces, leur sont fort contraires, parce qu’ils offensent le cerveau, et le remplissent de vapeurs :ils ne doivent point en boire en se mettant à table , qu’ils n’ayent mangé auparavant , ni lorsqu’ils se vont coucher : se lever ordinairement de table avec appetit, et ne point se soûler de viande ni d’autre chose.
Ils ne faut pas qu’ils s’adonnent après le repas à l’écriture , ni à la lecture, ni à autre chose qui peine l’esprit ; au contraire, il faut qu’ils se recréent en quelque chose d’honnête ; car l’exercice du corps et de l’esprit leur est très nécessaire pour éveiller la chaleur naturelle, et pour aider à la digestion ; mais pourtant il doit être moderé au commencement.
Le trop dormir leur est fort nuisible, principalement de jour et après le repas ; car il rend le corps pesant , et retient les excréments au-dedans : il suffira de dormir six ou sept heures, et d’avoir soin de se bien peigner le matin en se levant, frotter la tête, le col, les bras et les cuisses avec un linge, se moucher, cracher, et se purger de tous les excréments naturels ; tenir le ventre libre, et se garder du jeu d’amour autant qu’il se pourra, parce qu’il chasse la chaleur naturelle et refroidit. De se mettre en colere parfois, ne leur est pas nuisible ; la saignée ne leur est pas trop bonne, et il ne faut les saigner si ce n’est dans le besoin : les purgations leur sont bonnes quoique fortes, ils sont forts sujets à des maladies longues, et point dangereuses.
Extrait des Remèdes de Fouquet, pages 3 à 6 .

Si vous vous reconnaissez dans le portrait d’un « Phlegmatique », n’oubliez pas de vous bien peigner le matin, d’éviter le jeu d’amour qui refroidit et de vous mettre en colère parfois… A venir : les Mélancoliques !
Marie-Agnès SCHIOPPA