Monographies des villes et villages de France

In Fère-en-Tardenois et ses environs, par  A. de Vertus

Ed. Res Universis, Paris 1988

 

BRUYÈRES

 

Bruyères est un nom français qui s’est toujours prononcé à peu près comme aujourd’hui. Mais les scribes du Moyen Age, dans les Chartes, le latinisaient en écrivant Bruerias ; les plus savants écrivaient Vicus Ericens. On donna ensuite un sobriquet à ce village qui lui resta jusqu’au XVIIème siècle : c’était celui de Bruyères-les-Taupes (1).

La seigneurie de ce lieu, au XIème siècle, appartenait en grande partie à la maison de Cramailles, et une plus faible partie aux seigneurs de Braisne. Plus tard, elle fut divisée en trois seigneuries bien distinctes : Valchrétien, qui appartenait aux Prémontrés, Givray aux puinés de Cramailles et Bruyères qui relevait d’Oulchy ; quelques petites parties appartenaient au prieuré de Coincy, qui les changea avec le preux chevalier de Terre Sainte, Jean d’Arcy, dont nous avons parlé page 97. Les premiers seigneurs de Bruyères que nous retrouvons dans l’Histoire, après Jean D’Arcy, sont Louis Jouvenal des Ursins et Louise de Varie, sa femme, Gilles leurs fils, en 1586, qui était en même temps seigneurs d’Armentières.

L’héritière de ces seigneurs fut la célèbre Charlotte des Ursins qui, en 1608, fit au roi l’aveu de la terre de Bruyères :

« Item, tiens et advoue tenir du roy nostre sire, à cause du chastel d’Ouchie, le fief, terres et seigneurie de Bruyères les Taulpes, au quel lieu j’ai haulte justice, moyenne et basse, qui peut valoir par an 60 sols.

« Item, une somme deube par chascun an audict Bruyères, plusieurs droicts, cens et rentes jusqu’à la somme de 24 livres es jour Sainct-Remy et Sainct-Martin d’hiver portant lots, vente et rentes.

« Item, trente poulets payables le jour de la Sainct-Etienne, lendemain de Noël, et un essin d’avoyne.

« Item, à cause de ma dicte seigneurie, j’ai droict de garenne à Coincy, en un lieu appelé le G de Nomplieux et encore icelui lieu qui est à présent de nulle valeur. Et tient la dicte terre haulte justice, moyenne et basse dudict lieu de Bruyères à la seigneurie de Nampteuil, d’autre à celle de Coincy, et de toutes les autres parts aux religieux de Vaulchrétien. »

Cette seigneurie resta aux Conflans jusqu’à la Révolution.

 

(1)  Sur la première feuille du registre de baptême, on lit : Bruyères les Talpes, 1618.

 

Givray

 

On cite un Gautier de Givray en 1219.

Cramailles était la première baronnie du Valois.

Givray était la seconde et fut l’apanage des puinés de Cramailles. La famille des Harlus y demeura même lorsque les Cramailles n’apparte-naient plus à leur maison.

Le château de Givray fut bâti dans le style de la Renaissance par Charles de Harlus, vers 1540. Cette famille portait d’azur à trois aigles volant d’or.

René de Harlus qui lui succéda à Givray, était fils de Jean de Harlus, sire de Cramailles et de Anne Lotin qui mourut en 1550 ; il épousa Marie de Vieux-Châtel, dont il eut :

Antoine de Harlus, qui épousa Marie Cauchon dont il eut :

Antoine de Harlus, marié avec Catherine de Sugny, morte toute jeune en laissant trois enfants (1) ; elle est inhumée dans l’église de Bruyères : « Damoiselle Catherine de Sugny, femme, espouse de M. de Givray, est décédée le quatriesme jour de juin 1622, après avoir faict ses debvoirs en sa vie et encore en sa maladie d’une bonne chrestienne et catholique… ; elle est inhumée au devant du grand austel de monsieur sainct Remy de Bruyères ». Antoine se remaria ; il eut de sa seconde femme Jeanne du Quenay, Louis de Harlus, baptisé à Bruyères le 16 novembre 1625, qui épousa à La Croix Marguerite Bachelier, fille de Jean de Bachelier et de Catherine de Vertus.

Jacques de Harlus épousa Marie Caillois qui devint veuve de bonne heure et demeura dans un petit fief de Wallée.

François de Harlus, baptisé comme ses sœurs dans l’église de Bruyères.

Antoine de Harlus épousa Henriette-Françoise de la Viser dont il eut plusieurs enfants ; sa femme fut inhumée devant l’hôtel de la Vierge le 25 avril 1699 ; on y voit son effigie sur une pierre tombale.

François de Harlus, baron de Givray, major de la ville et du château de Soissons, capitaine de cavalerie au régiment Bartias ; il fut inhumé, le 9 février 1717, dans le chœur de l’église de Bruyères.

Antoine Augustin de Harlus prit dans l’acte d’inhumation du précédent, le titre de baron de Givray. Il ne vécut que peu après et fut inhumé dans le cœur de l’église de Bruyères, le 8 avril 1720, en présence de son frère Remy de Harlus.

 

 

La seigneurie de Givray passa alors à Mollard du Plessis, ingénieur du roi, par alliance et par acquisition. Ce Mollard eut un fils baptisé à Bruyères, le 16 décembre 1739, sous le nom de Pierre-Claude. La seigneurie de Givray fut possédée ensuite par messire Michel Legras de Chalmont, trésorier de France en la généralité de Soissons. Il était assez populaire. Il fut parrain à Givray de Michel-François Fournier, fils de Joseph Fournier et de Marie-Louise Borniche, qui étaient fermiers au 17 janvier 1770. M. de Chalmont est mort aux environ de Bruxelles en émigration.

 

(1) Jehanne, née à Givray en 1619, et sa sœur Françoise.

                  

 

Anciennes familles de Bruyères

 

Les registres de baptême commencent en 1618 ; on y voit figurer la famille de Thomas Bochet, Bailly, Benjamin Couder épousa Jehanne Blaireau le 18 juin 1619, Gille Vaillant, la famille de Pierre Desprez était assez nombreuse, François Gilbert, Delettre, Boquet, Pierre Marinier. La famille Remy Perotin, garde de père en fils, depuis un temps immémorial, des bois des religieuses de Valchrétien, Jean Bordet, fils de Martin Bordet, vint s’établir à Bruyères en 1721, Les Doctrinal. Une famille singulière est celle de Antoine de Harlus, fils naturel de M. de Givray, Antoine de Harlus et de Jeanne Gilbert ; il était manouvrier à Bruyères en 1747, 11 décembre ; nous ne savons pas si cette famille existe encore.

 

 

Abbaye de Valchrétien

 

C’est en 1134 que fut fondée, dans la Vallée Chrétienne, Vallis Christiana (1), sur un terrain nommé Reincourt, une abbaye de l’ordre de Prémontré devant contenir des hommes et des femmes. Le fondateur, Radulfe, fils de Gilbert et sa femme Gille, retinrent dans leur donation que si leurs enfants, fille ou fils, voulaient entrer dans ce monastère, la maison serait obligée d’en recevoir jusqu’au nombre de sept.

Ce lieu de Reincourt était habité, car Radulfe s’y réservait sa maison domum suam et le pré contigu à sa maison, plus une autre terre. André de Baudiment, seigneur de Fère, y possédait aussi un atrium. Radulfe n’avait que trois filles et pas encore de fils, mais sa réserve était pour l’avenir. Près du lieu concédé se trouvait un moulin compris dans la donation ; la charte ne dit pas qu’il y eût déjà une église.

Les témoins de l’acte de donation furent Rainaldus, archevêque de Reims, les abbés des maisons de Prémonté, de Château-Thierry, de Chartreuve, Ursus, premier abbé de Valchrétien et beaucoup d’autres. Parmi les seigneurs, on remarque Pierre de Braisne et son épouse.

 

(1Gallia Christiana, tome X, page 113. On prétend que ce nom vient à cette vallée, parce que beaucoup de chrétiens s’y réfugièrent pendant les persécutions au IIIème siècle.

 

 

Liste des abbés

 

A Ursus, premier abbé, succéda Grimaldus, puis Maurice ; c’est à ce dernier que Robert de Dreux, seigneur de Fère, Villeneuve, etc., donna deux charrues de terre à Bellefontaine.

Quatre abbés, dont le Gallia Christiana dit peu de chose, se succédèrent jusqu’en 1210, ce sont : Bathélemy, Walter, Eudes et Pierre. Ensuite l’abbaye eut pour abbé un homme remarquable, Eustache de Lintz, qui laissa plusieurs écrits sur Moïse et composa des hymnes.

Pendant le siècle suivant, il y eut sept abbés : Pierre, Egide, Jean, Michel, Ponsart, Nicolas, Jean Aupoix en 1402. On ne sait pour ainsi dire que leurs noms.

Les Anglais, les Bourguignons, les Armagnacs ravagèrent tour à tour Valchrétien. Pierre III, alors abbé, était resté seul au monastère ; les autres religieux étaient en fuite, plusieurs étaient captifs. Cet abbé rassembla les pierres du sanctuaire dispersées, il rappela ses frères errants et racheta ceux qui étaient captifs ; il restaura la maison et, ayant accompli son œuvre de réparation, il mourut en 1453. Cinq abbés succédèrent à Pierre III : Dominique, Jean Billonnet, Egide, Benoit-de-Corbie en 1524, Nicolas.

Nous trouvons, en 1530, un abbé vraiment intéressant. Il avait été curé de Bruyères ; il fit construire la maison de Belle-Fontaine que l’on voit aujourd’hui et fit édifier l’abbatiale de Valchrétien. L’abbaye de Valchrétien fut possédée en commende par l’évêque de Soissons, de Bullioud ; après lui, ce fut Pierre de Fovillé.

Barthélemy Gaugier orna et décora l’église. On lui fit une épitaphe en vers latins, en 1541 ; elle était à l’autel de la Ste-Vierge.

Cinq abbés peu remarquables se succédèrent : Géraut, Gilbaut en 1557, Jean Milon qui avait été curé de Bruyères, Dieutegard-Colletet, Bayard en 1638.

Eustache de Conflans, fils de Henri de Conflans du Buisson et de Charlotte Pinart, était à la fois abbé commendataire de Valchrétien et de Lonley. Lorsqu’il fut nommé abbé, des vents si violents s’élevèrent que l’église fut entièrement découverte ; il fallut couper tous les bois du monastère pour réparer ces désastres. Ce commencement était d’un augure peu favorable. Eustache n’était pour ainsi dire que fiancé à ces deux belles abbayes, mais il les quitta : ut ad nuptias convolaret dit le Gallia, et il épousa une fille fort peu sortable en 1647. César Leduc, qui était le précepteur du jeune Eustache de Conflans, avait obtenu de lui la cession de ses deux abbayes. Il eut une foule de difficultés avec l’ordre de Prémonté ; pourtant, à sa mort, il légua son mobilier au monastère de Valchrétien.

François Tallemand, abbé commendataire de Valchrétien, membre de l’Académie française, aumônier de la duchesse d’Orléans. Ce savant remarquable fut inhumé à St-Roch de Paris en 1693.

Louis Le Bègue de Mayanville, de l’église de Saint-Honoré de Paris, mort en 1737.

Richard obtint la commende de Valchrétien la même année. Le Gallia Christiana s’arrête à cet abbé.

La plupart de ces abbés ne résidèrent jamais à Valchrétien.

Voici les noms de quelques chanoines de Prémontré qui habitèrent à Valchrétien :

Pierre Jacques Lesot, prieur de Notre-Dame de Valchrétien en 1667 (1).

Messire Jean Drouart, prieur en 1718. Desfontaines, religieux. Frère Pierre-Nicolas Leclerc, prêtre-chanoine  de Valchrétien en 1716. Bouillie, chanoine. Henry Forzy, chanoine en 1762.

Le dernier abbé commendataire fut M. Daymard, et il n’y avait que cinq religieux lorsqu’éclata la Révolution : le prieur Denoyolle, Harmand, et deux autres dont le nom nous est inconnu.

En 1770, une réforme générale, demandée par quelques maisons, fut établie dans l’ordre de Prémontré. Les religieux devaient, d’après cette réforme, ne jamais manger de viande, porter constamment l’habit de laine blanche, dire à haute voix leurs fautes chaque jour et confesser leurs péchés chaque semaine, jeûner depuis la Ste-Croix (14 septem-bre) jusqu’à Pâques.

Cette réforme ne produisit aucun fruit dans l’abbaye de Valchrétien. Il y en avait déjà tant eu des réformes ! que l’on pourrait croire, sans trop de témérité, que la patience de Dieu voulut avoir un terme, et lasse à la fin de tant de transgressions dans ces lieux spécialement consacrés à l’observance de sa loi, elle allait déchaîner sur eux, non pas la verge qui châtie, mais le feu de Sodome qui détruit et dévore sans rien épargner ! Sa miséricorde n’avait-elle donc pu trouver assez de justes parmi tous les monastères de France pour fléchir sa colère ? et pourtant il y en avait ! Oui, il y avait encore de fidèles imitateurs du Christ, et comme pour compléter leur ressemblance avec leur divin maître, ils allaient, eux, les innocents et les bons, souffrir et mourir ; tandis que les misérables, les renégats, pour prix de leur apostasie, recueilleraient la joie et les triomphes… ! Mais arrêtons-nous ici, Dieu a déjà prononcé sur le sort éternel des uns et des autres ; ce sont là les secrets de sa justice, n’essayons pas de les pénétrer davantage.

Le dernier prieur de Valchrétien avouait quelquefois qu’il ne pouvait retenir ses moines dans le monastère, il gémissait sur leurs désordres sans pouvoir rien davantage. Saint-Guilain, dont il avait une chapelle, des reliques et même une fontaine miraculeuse, Saint-Guilain était le patron de la ferme de Valchrétien, on y faisait la fête. Les habitants de Bruyères et des hameaux voisins venaient y danser, et les religieux avaient assez peu de respect de leur état pour quitter le couvent et venir s’asseoir auprès des danseurs. Nous ne rappellerons pas ici ce que la malignité publique publiait sur leur compte. Quelques-uns d’eux étaient des hommes vulgaires, superstitieux ; un surtout se faisait passer pour connaître l’avenir, et ce n’était pas celui qui inspirait le moins de respect dans les environs. Tous les matins, un valet venait frapper à la porte de chaque chanoine, qui demandait quel temps fait-il ? Le valet répondait suivant le temps. Notre devin ne manquait jamais d’ajouter d’un ton bien convaincu : Je le savais ! Lorsque 1789 arriva et que leurs domestiques même commençaient à perdre l’ancien respect de leurs maîtres, le valet se dit : Il faut que je sache si frère N… est aussi sûr du temps qu’il le dit. Ce matin là il pleuvait à torrents : Pan ! pan ! Quel temps fait-il ? demande le chanoine. – Il fait beau, dit le valet. – Je le savais ! répond comme toujours notre devin. – Ah vous le saviez bien le diable ! s’écrie cette fois le valet ; et il descendit en racontant la bonne farce qu’il venait de jouer au chanoine N… qui n’était, disait-il, qu’un blagueur.

Les chanoines prêtèrent serments à la Constitution civile du clergé. Aussi quand le maire de Fère ne put trouver un prêtre dans cette ville pour chanter le Te Deum en action de grâce pour l’élection de l’évêque Marolles, il écrivit au curé-maire de Bruyères, Asselinne, de venir chanter et, s’il ne le pouvait, d’envoyer un des ci-devants religieux de Valchrétien, Harmand ou Denoyelle. Ce fut ce dernier qui se rendit à Fère.

Le 1er juin 1791, les biens de l’abbaye de Valchrétien furent mis en vente. M. Asselinne mit quelques enchères, mais s’étant aperçu que les biens étaient mal désignés et qu’il y avait quelqu’entente entre certains acheteurs et les commissaires du District chargés de procéder à la vente, il dénonça le fait au département. Il y eut une enquête qui dévoila bien des infamies ; cette affaire fit beaucoup de bruit. Cependant l’adjudication fut déclarée valable, mais l’adjudicataire fut obligé de payer un supplément de prix (2).

Lors de la destruction de l’église de Valchrétien, le buste de saint Guilain fut rapporté à Bruyères. Quand il s’agit de briser tout ce qui rappelait l’ancienne superstition, on trouva dans la tête de la statue une boule d’argent qui, sans doute, renfermait quelque partie du chef du saint. La municipalité vendit la boule et acheta avec l’argent des fusils pour la défense de la patrie.

Le curé-maire Asselinne, dégouté enfin de la Révolution à cause de ses excès, fit une vente de son mobilier par le notaire de Coincy, le 30 janvier 1792, et quitta Bruyères. Le desservant Nivert, officier public, dit la messe à Bruyères pendant 1793 jusqu’au septidi de la première décade de frimaire, où il n’y eut plus d’autre culte que celui de la Raison.

Enfin le calme se fit à Bruyères comme dans toute la France, et un grand nombre d’habitants se hâtèrent de revenir au culte de leurs ancêtres.

En 1795, une lettre écrite de Bruyères aux Annales de la Religion (3) dénonçait les commissaires du gouvernement qui empêchaient à Bruyères de marier et d’enterrer avec les cérémonies ordinaires. Ce commissaire, s’écriait l’auteur dans sa lettre, veut que nous enterrions encore nos morts selon le rituel de Robespierre.

Aussitôt le Concordat, en 1802, l’abbé de Vertus revenu de l’exil où il était resté neuf ans, fut nommé desservant de Bruyères.

 

(1) Nous n’avons pas pu découvrir pourquoi quelques curés de Bruyères prenaient le titre de seigneurs de Trugny, hameau dépendant de Bruyères.

(2Histoire du Clergé par M. Fleury, tome 1, page 190.

(3Nous pensons que cette lettre était de M. B., curé de Cramailles, qui n’avait pas émigré.

 

 

Particularités diverses

     

Nous ne pouvons quitter Bruyères sans dire quelques mots sur l’état actuel de Givray et des ruines de Valchrétien. Le château de Givray est parfaitement conservé, mais nous avons en vain cherché la fameuse devise du roi François Ier : Nulrisco et extringuo. Il y a, il est vrai, une salamandre à l’immense cheminée de la cuisine voûtée, mais pas de devise. Dans la grande salle, il y a des emblèmes sculptés où l’on a cru lire quelque chose ; nous avons gratté le badigeon, et ce que l’on prend pour des lettres ne sont que de simples ornements de sculpture. Les G entrelacés, surmontés d’une couronne de baron, ne renferment aucun mystère : ce sont les armes de la baronnie de Givray. L’écu si bien conservé de gueules à trois losanges d’or n’est pas celui des Harlus. Nous n’avons pu retrouver la chapelle où, selon les registres de Bruyères, les jeunes filles des barons de Givray recevaient la béné-diction nuptiale au XVIIème siècle.

Les révolutionnaires ayant  épargné l’église de Valchrétien, le fermier y logeait ses récoltes. Les chevaux et les voitures y pénétraient, foulant, brisant les pierres tombales de ces hauts et puissants seigneurs de Cramailles qui, par de grandes donations, avaient obtenu une place pour reposer à jamais dans l’intérieur de cette église (1). Les moineaux, pénétrant par toutes les fenêtres, dimaient la récolte du fermier Moquet ; il obtint des propriétaires que l’on détruirait l’église pour faire des matériaux et construire une grange plus commode. Ce bel édifice s’écroula alors sous la sape et la mine. La plus grande partie des pierres tombales et du dallage gisent aujourd’hui sous les décombres, et les seigneurs dessous les dalles.

Les piliers du chœur et leurs élégants chapiteaux, le portail et ses fenêtres ogivales arrêtent l’attention de l’étranger ; il admire et s’étonne que la contrée, qui possède ces ruines, les voit avec tant d’indifférence (2).

 

(1) M. Pécheur, tome XIII, page 90 du Bulletin archéologique, dit que l’église avait peu d’étendue ; cette assertion n’est pas exacte, cet édifice avait soixante mètres de long et deux magnifiques bas-côtés.

(2) Nous avons des dessins de Givray, de Valchrétien, de l’église de Bruyères et de la belle tombe du XIVème siècle qui recouvre le caveau dans la chapelle de la Vierge, mais le faible prix de la souscription ne nous permet pas de les publier. C’est pour la même cause que de nombreux documents qui nous ont été fournis par divers habitants et notamment par M. Broyaux, n’ont pu être insérés.