Poussé
par une pieuse et riche marraine, cet enfant du pays reçoit une solide
instruction. Saint Amand le consacre prêtre en 670. Ursmer
devient l'un des premiers autochtones à accéder à la dignité épiscopale et il
reçoit de Pépin de Herstal la direction du couvent de Lobbes
(Hainaut belge). Il prêche alors dans deux "pays" réunis dans un
même évêché, dans une même circonscription religieuse ; les pays du
Hainaut et de Thiérache.
Ses tournées épiscopales l'amenèrent fréquemment à la maison religieuse de Wallers-en-Fagne (Nord) et c'est à quelques lieux de là
qu'il choisit sa retraite pour en faire à la fois un lieu de prière et de
recueillement dans la solitude et un poste avancé pour l'évangélisation des
populations éparpillées alentours qu'il se désole de voir retourner au
paganisme ancestral.
Sur un tertre blotti dans un cirque de hauteurs boisées, il élève une
chapelle en 693. Date précisée par l'hagiographe de Deudon,
jeune moine issu du même terroir à qui Ursmer
confie peu après la direction de Wallers. Il place l'oratoire sous
l'invocation de l'archange Saint Michel, ce choix est lourd de sens ; le
culte de l'archange se perd dans la nuit des temps. Les prophètes hébreux
proclamèrent l'existence de "l'archange" autrement dit un chef
commandant les milices célestes dans la lutte incessante contre les esprits
du mal. Il devint le protecteur, l'intercepteur auprès de l'Eternel. Adopté
d'emblée par les chrétiens d'Orient, sa renommée gagne Rome fin du VIème siècle. Quelques décennies de plus et les Francs
convertis par Clovis accueillent avec l'enthousiasme d'un peuple
guerrier, la figure de l'ange des combats du ciel. Il sera leur guide
dans les batailles de la
terre. L'oratoire de Thiérache est l'un des premiers à
consacrer le prestige de l'intemporel.
Lorsqu’Ursmer meurt à l'abbaye de Lobbes en 713, (il est canonisé le 26 mars 823) sa piété et
son renom fait de la petite chapelle sylvestre un sanctuaire réputé, un lieu
de pèlerinage. Cet endroit restera plusieurs siècles durant, fréquenté
surtout sous le règne de Charlemagne (fils de Pépin dit le Bref et de Berthe
de Laon dite au Grand Pied) où la voie qui le relie d'Aix-la-Chapelle à Paris
en passant par Liège, Chimay (Belgique) et Vervins, Laon, une artère vitale
du royaume qui est connue sous RN2 dite Route Charlemagne) et où le château
d'Hirson constitue une étape.
Après la disparition de "l'empereur", c'est le partage de son
empire et la région devient frontalière. Surviennent les "hommes du
Nord" qui se jettent sur les fragiles royaumes dont le tracé change au
gré des complots de palais. La vie se recroqueville en foyers minuscules
uniquement préoccupés par la survie, terrés dans la forêt inextricable et
redevenue sauvage.
Sur la butte rendue à sa solitude, l'humble construction tombe en ruine mais
elle reste comme un haut lieu de la foi chrétienne. Le décor est planté pour
les bases de construction de la première abbaye thiérachienne.
FONDATION
de l'ABBAYE
La fondation est à la fois exemplaire. Il s'agit d'une démarche spirituelle
classique pour l'époque et originale par la qualité de son fondateur : une
femme nommée Hérisinde, probablement fille de sire
de Chimay, mariée à Heilbert, féal sujet et ami
d'Herbert, deuxième comte du Vermandois.
Epouse délaissée et stérile, elle porte un grand projet : restaurer
l'oratoire de Saint Ursmer et y construire un
monastère. A cette fin, elle obtient le consentement d'Herbert, archidiacre
de Laon qui tient la chapelle en bénéfice. Cette femme battante fait relever
du mieux qu'elle peut les ruines. Elle a le lieu, il lui manque les hommes.
Elle réside non loin de Péronne. C'est le passage obligé de tout les Scots
qui débarquent sur le continent ; il y a Kaddroe et
ses compagnons - douze comme les apôtres - qui cherchent un endroit
désert où servir Dieu en travaillant de leurs mains et en évangélisant les
païens. Elle propose, avec succès, de les conduire dans ce désert qu'est la
forêt de Thiérache. Elle fait sur ses biens personnels, une dotation de 21
000 arpents de bois. Il reste à défricher. Pour fixer ces errants de Dieu,
elle les convie à s'instruire de la règle de Saint Benoit
qui implique une communauté stable. La communauté prendra son caractère
bénédictin. En plus des villageois groupés autour des implantations premières
(hameaux), il y aura l'abbaye bénédictine de Saint-Michel en Thiérache.
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